En Espagne

I. La législation espagnole

Le principe de compétence universelle a été introduit de manière générale dans la législation espagnole par la loi organique sur le pouvoir judiciaire de 1985.

La compétence universelle des juridictions espagnoles, en particulier celle de l’Audiencia nacional, juridiction compétente en première instance pour juger les personnes accusées des crimes les plus graves, est prévue à l’article 23-4 de la loi organique de 1985. Cet article stipule que :

 » La juridiction pénale espagnole sera compétente pour connaître des faits commis par des Espagnols ou par des étrangers hors du territoire national susceptibles d’être considérés, selon la loi espagnole, comme un des délits suivants:
a) Génocide ;
b) Terrorisme ;
c) Piraterie et appropriation illicite d’aéronefs ;
d) Falsification de monnaie étrangère ;
e) Prostitution et « corruption de mineurs et d’incapables » ;
f) Trafic illégal de stupéfiants ;
g) Et tous autres qui, selon les traités et conventions internationales, doivent être poursuivis en Espagne. »

(Traduction tirée de « Droit espagnol », de Valentine BUCK, in Juridictions nationales et crimes internationaux, dir A. Cassese et M. Delmas-Marty, PUF, 2002)

Sur le fondement de cette disposition, plusieurs affaires ont vu le jour depuis 1998. Cette année-là, le juge Garzon, juge d’instruction de l’Audiencia nacional, émet un mandat d’arrêt pour des crimes commis pendant la dictature chilienne, à l’encontre de M. Pinochet, ancien président du Chili, en voyage à Londres. Bien que cette instruction n’ait pas abouti à un procès, elle a ouvert la voie de la lutte contre l’impunité devant les juridictions espagnoles.

Dès 1999, la justice espagnole, saisie par des plaintes, ouvre deux instructions : l’une contre des officiers guatémaltèques, l’autre contre des officiers argentins, pour des crimes commis par les régimes dictatoriaux qui étaient au pouvoir dans ces deux pays dans les années 70-80.

L’affaire des généraux guatémaltèques a été marquée par deux étapes importantes. L’Audiencia nacional, en 2000, puis le Tribunal supremo, en 2003, ont rejeté la compétence universelle espagnole, l’Audiencia nacional mettant en avant le caractère subsidiaire de cette compétence et le Tribunal supremo exigeant un intérêt national pour la mettre en œuvre. En 2005, le Tribunal constitucional espagnol casse ces décisions et définit la compétence universelle comme l’obligation que s’impose l’Espagne de juger les responsables des crimes les plus graves quelle que soit l’identité de la victime ou de l’auteur, qu’il existe ou non un intérêt national dans le chef de l’Espagne.

Actuellement, d’autres affaires sont pendantes devant les juridictions espagnoles, comme les poursuites à l’encontre des membres du réseau Al-Qaïda, l’enquête sur les exactions commises par des militaires rwandais avant, pendant ou après le génocide de 1994 et l’instruction menée contre des dirigeants chinois accusés de génocide au Tibet.

A ce jour, une seule affaire fondée sur la compétence universelle telle que définie dans la législation espagnole s’est achevée par la condamnation de l’inculpé (affaire de l’officier argentin Scilingo).

Tout comme la Belgique, l’Espagne s’est dotée d’une compétence universelle « étendue ». D’une part, elle ne conditionne pas la mise en œuvre de cette compétence à la présence de l’inculpé sur le territoire. D’autre part, elle ne limite pas sa compétence à l’application d’obligations prévues par les traités internationaux auxquels elle est partie (loi organique 1985, article 23-4, g) mais l’étend à la protection d’autres intérêts (article 23-4, a à f).

Depuis l’abrogation de la loi belge de 2003, l’Espagne est le seul pays à exercer une compétence universelle d’une telle étendue. Cependant, la législation en matière de compétence universelle (article 23.4 de la Loi organique du pouvoir judiciaire) a été modifiée le 3 novembre 2009 (modification publiée au JO le 4 novembre 2009). Les alinéas 4 et 5 de l’article 23 se rédigent désormais de la manière suivante (Uno. Los apartados 4 y 5 del artículo 23 quedan redactados de la forma siguiente) :

«4. Igualmente, será competente la jurisdicción española para conocer de los hechos cometidos por españoles o extranjeros fuera del territorio nacional susceptibles de tipificarse, según la ley española, como alguno de los siguientes delitos:

a) Genocidio y lesa humanidad.

b) Terrorismo.

c) Piratería y apoderamiento ilícito de aeronaves.

d) Delitos relativos a la prostitución y corrupción de menores e incapaces

e) Tráfico ilegal de drogas psicotrópicas, tóxicas y estupefacientes.

f) Tráfico ilegal o inmigración clandestina de personas, sean o no trabajadores.

g) Los relativos a la mutilación genital femenina, siempre que los responsables se encuentren en España.

h) Cualquier otro que, según los tratados y convenios internacionales, en particular los Convenios de derecho internacional humanitario y de protección de los derechos humanos, deba ser perseguido en España.

Sin perjuicio de lo que pudieran disponer los tratados y convenios internacionales suscritos por España, para que puedan conocer los Tribunales españoles de los anteriores delitos deberá quedar acreditado que sus presuntos responsables se encuentran en España o que existen víctimas de nacionalidad española, o constatarse algún vínculo de conexión relevante con España y, en todo caso, que en otro país competente o en el seno de un Tribunal internacional no se ha iniciado procedimiento que suponga una investigación y una persecución efectiva, en su caso, de tales hechos punibles.

El proceso penal iniciado ante la jurisdicción española se sobreseerá provisionalmente cuando quede constancia del comienzo de otro proceso sobre los hechos denunciados en el país o por el Tribunal a los que se refiere el párrafo anterior.

5. Si se tramitara causa penal en España por los supuestos regulados en los anteriores apartados 3 y 4, será en todo caso de aplicación lo dispuesto en la letra c) del apartado 2 del presente artículo.»

Les nouvelles dispositions prévoient donc que la compétence universelle ne sera appliquée que si les présumés responsables se trouvent sur le territoire espagnol ou si les victimes sont espagnoles et, dans tous les cas, quand une juridiction internationale ou le pays dans lequel les faits se sont produits n’a pas engagé de poursuites effectives.

II. Développements judiciaires

1. Remarque préliminaire : incidence de la réforme de 2009 sur les affaires en cours

En 2009, l’Espagne a modifié son régime de compétence universelle et a fortement réduit  le champ d’application de cette dernière. En effet, la nouvelle loi stipule que le juge espagnol ne peut exercer sa compétence universelle que si les présumés responsables se trouvent sur le territoire espagnol ou si les victimes sont espagnoles et, dans tous les cas, quand une juridiction internationale ou le pays dans lequel les faits se sont produits n’a pas engagé de poursuites effectives. La nouvelle loi ne comporte pas de dispositions transitoires. Dès lors, ce qu’il adviendra des affaires entamées avant la réforme n’est pas très clair.

Certains principes peuvent tout de même nous guider dans la recherche de la réponse. La loi organique du pouvoir judiciaire qui contient la réforme est une loi de procédure, non une loi pénale. Il convient donc de l’appliquer rétroactivement, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ne s’appliquant qu’aux véritables lois de droit pénal substantiel portant des incriminations et des peines. Par voie de conséquence, le juge qui se trouve face à une affaire entamée avant 2009, mais qui ne pourrait plus être entamée aujourd’hui en raison de la réforme, ne peut que surseoir à statuer.

Il en découle que le juge espagnol est toujours compétent à l’égard des poursuites ouvertes avant la réforme lorsque les auteurs ou les victimes sont espagnols (compétence personnelle active ou passive). Les difficultés arrivent lorsque l’on considère que la réforme maintient la compétence universelle du juge espagnol pour tous les cas où il existe un lien étroit avec l’Espagne. L’appréciation du juge sera, dans certains cas particuliers, déterminante pour la poursuite de la procédure.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que dans tous les cas où la compétence universelle du juge espagnol découle d’un traité, comme la compétence universelle pour connaître des crimes de torture, le juge reste évidemment compétent, nonobstant la réforme.

2. Affaire Pinochet

Lorsque M. Augusto Pinochet, l’ancien président du Chili, se rend en Grande-Bretagne en 1998 pour y être hospitalisé, deux procédures pénales à sa charge sont en cours en Espagne. D’une part, le juge Manuel Garcia Castellan enquête sur l’assassinat et la disparition de ressortissants espagnols au Chili entre 1973 et 1983 ; d’autre part, le juge Balthasar Garzon enquête sur l’opération Condor (campagne d’assassinats et de lutte contre les opposants politiques par les dictatures sud-américaines des années 1970 et 1980). Tous deux accusent l’ancien président, devenu sénateur à vie, de génocide, torture, terrorisme international et enlèvements. Sur le fondement de ces accusations, le juge Garzon émet un mandat d’arrêt international à l’encontre de l’ancien dictateur et obtient la mise en résidence surveillée à Londres de M. Pinochet, le 16 octobre 1998. Des plaintes à l’encontre du dictateur ont ensuite été déposées devant d’autres juridictions nationales, notamment en Belgique.

Le 28 octobre 1998, la Haute Cour de Justice britannique prononce l’invalidité du mandat d’arrêt au motif que M. Pinochet, en qualité d’ancien chef d’Etat, bénéficie d’une immunité.

Le Ministère public interjette appel devant la Chambre des Lords qui, par trois voix contre deux, le 25 novembre 1998, infirme cette décision en estimant que l’immunité souveraine n’est pas applicable à un ancien chef d’Etat. L’arrestation de M. Pinochet est par conséquent régulière.

Le 17 décembre 1998, la Chambre des Lords, statuant en appel, annule le jugement du 25 novembre, l’impartialité d’un des Lords (Lord Hoffman) étant contestée. En effet, l’épouse de ce juge milite au sein d’Amnesty International, association qui est partie à l’accusation dans cette affaire.

L’affaire est renvoyée devant la Chambre des Lords qui, le 24 mars 1999, confirme l’absence d’immunité dans le chef de M. Pinochet. Selon la haute juridiction, une telle immunité ne saurait être reconnue pour les atteintes graves au droit humanitaire. Les juges limitent néanmoins l’éventail des poursuites à l’encontre de l’ancien dictateur aux actes de torture commis après le 8 décembre 1988, date à laquelle le Royaume-Uni a ratifié la Convention des Nations Unies contre la torture. Ainsi, M. Pinochet pouvait être poursuivi pour les chefs de tortures, assassinats ou disparitions commis entre 1988 et 1991 alors qu’il était président du Chili.

Le 15 avril 1999, le ministre de l’Intérieur britannique autorise l’extradition vers l’Espagne de M. Pinochet pour le chef de tortures. Cette décision a été validée par une décision judiciaire du 8 octobre 1999. En janvier 2000, le ministre de l’Intérieur envisage de libérer l’ancien président, son état de santé s’étant dégradé et l’empêchant de suivre son procès. Le 2 mars 2000, Augusto Pinochet est libéré pour des raisons de santé et rentre au Chili où il est accueilli chaleureusement par l’armée chilienne. Il aura été retenu 503 jours à Londres. Par la suite, M. Pinochet est poursuivi par la justice chilienne. Son décès, le 10 décembre 2006, a mis fin à l’action pénale.

3. Affaires argentines

Depuis 1999, le Juge Garzon réclame l’extradition de 46 personnes suspectées d’exactions sous la dictature qui a sévi en Argentine durant les années 1970 et 1980. Elles sont accusées de génocide, de torture et de terrorisme. Parmi elles, figurent deux anciens dictateurs, l’ancien général Jorge Rafael Videla et l’ex-amiral Emilio Massera, et Alfredo Astiz, ancien officier militaire de l’Ecole supérieure de Mécanique de l’Armée argentine (ESMA). De 1976 à 1983, entre 13 000 et 30 000 personnes ont disparu en Argentine. Deux affaires ont été portées devant la justice espagnole sur le fondement de la compétence universelle.

A. Affaire Adolfo Scilingo

Adolfo Scilingo, ancien officier de l’ESMA, a été arrêté en Espagne où il s’était rendu volontairement afin de témoigner en justice au sujet des « vols de la mort ». Lorsqu’il était officier de 1976 à 1977, il a participé à ces vols qui consistaient à précipiter dans l’océan des opposants au régime, nus et inconscients, depuis un avion. 

A la suite de son témoignage, il a été mis en état d’arrestation par le juge Garzon qui a également émis des mandats d’arrêt à l’égard de 97 autres Argentins. Adolfo Scilingo a été accusé de terrorisme, de torture, d’assassinat et de tentative de génocide. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 640 années, le 19 avril 2005, par l’Audiencia nacional, puis en appel, à 1084 années par le Tribunal supremo, le 3 juillet 2007. La haute juridiction l’a reconnu coupable de crimes contre l’humanité mais l’a acquitté pour le chef de torture.

B. Affaire Ricardo Miguel Cavallo

En 1999, le juge Garzon émet un mandat d’arrêt pour génocide, torture et terrorisme à l’encontre de Ricardo Miguel Cavallo, ancien officier de l’ESMA lui aussi.

L’ancien officier est arrêté au Mexique en août 2000. Après trois ans de procédure, les autorités mexicaines acceptent son extradition vers l’Espagne mais uniquement pour les chefs de terrorisme et de génocide, les faits de torture étant prescrits au regard de la loi mexicaine. Le 28 juin 2003, Cavallo est livré à l’Espagne. C’est la première fois que, sur le fondement de la compétence universelle, un Etat accepte d’extrader un inculpé vers un Etat tiers. En janvier 2006, le Ministère public espagnol accuse Cavallo de génocide, terrorisme organisé, crimes contre l’humanité et meurtres. Le 20 décembre 2006, l’Audiencia nacional se déclare incompétente au profit de la compétence territoriale des autorités argentines. Un appel est interjeté devant le Tribunal supremo.

Le 30 janvier 2007, Cavallo est relâché, les autorités argentines n’ayant pas demandé son extradition dans le délai imparti (40 jours à compter de la décision d’incompétence). Elles y remédient dès le lendemain et Cavallo est arrêté en vue de son extradition. Le 17 juillet 2007, le Tribunal supremo déclare les juridictions espagnoles compétentes.

Le 28 février 2008, le gouvernement espagnol autorise l’extradition de Cavallo vers l’Argentine et clôt l’affaire en mars 2008 (El Mundo, 1er mars 2008).

4. Affaire des Généraux guatémaltèques

Rigoberta Menchu, ressortissante guatémaltèque, prix Nobel de la paix en 1992, a déposé une plainte, le 2 décembre 1999, devant la justice espagnole contre huit militaires guatémaltèques, dont le général Efrain Rios Montt, l’ancien ministre de l’Intérieur Donaldo Alvarez Ruiz et les dictateurs Kjell Laugerud et Lucas Garcia, pour génocide, assassinats, tortures et séquestrations illégales commis au Guatemala entre 1978 et 1986.

Entre 1962 et 1996, 150 000 personnes, principalement des indigènes mayas, ont été tuées, 50 000 ont disparu.

Mme Menchu a déposé cette plainte en Espagne pour deux raisons. D’une part, parmi les victimes se trouvaient des Espagnols. D’autre part, la justice guatémaltèque n’était pas en mesure de rendre justice de façon impartiale, les juges, avocats et témoins étant régulièrement menacés de mort, voire parfois assassinés.

L’Audiencia nacional, juridiction pénale compétente en première instance pour juger les crimes les plus graves, a été saisie. Les exactions commises ont été qualifiées de crimes contre l’humanité.

Le 13 décembre 2000, l’Audiencia nacional, statuant en assemblée plénière, a ordonné le classement de l’affaire au motif que l’inactivité de la justice guatémaltèque n’avait pas été démontrée. En se référant à l’article 6 de la Convention sur le génocide de 1948 qui donne compétence aux juridictions de l’Etat sur le territoire duquel l’infraction a été commise, l’Audiencia nacional estime que la compétence universelle espagnole n’est que subsidiaire et que la compétence territoriale du Guatemala doit primer. Or, en l’espèce, le gouvernement du Guatemala s’était engagé à permettre les poursuites en créant une commission chargée de poursuivre et juger les crimes commis pendant la dictature.

Un appel de cette décision a été interjeté devant le Tribunal supremo qui a autorisé, le 25 février 2003, la poursuite de l’affaire mais l’a limitée à l’assassinat des victimes espagnoles. En effet, le Tribunal a rejeté la compétence des tribunaux espagnols pour juger le génocide des Indiens Mayas et l’a conditionnée à l’existence d’un intérêt national.

Un recours a été formé devant le Tribunal constitucional qui, le 26 septembre 2005, a annulé la décision du Tribunal supremo. Selon le Tribunal constitucional, le principe de compétence universelle qui impose aux autorités de poursuivre, quelle que soit la nationalité de la victime ou de l’auteur des faits, est absolu et prime  l’existence ou non d’intérêts nationaux (Note explicative de l’arrêt, émise le 5 octobre 2005 par le cabinet de la présidente du Tribunal constitucional (en espagnol)).

Le 7 juillet 2006, la justice espagnole a émis des mandats d’arrêt et a ordonné la mise en détention préventive des huit accusés. Depuis, Donaldo Alvarez Ruiz est en fuite.

Le 14 décembre 2007, la Cour constitutionnelle guatémaltèque s’est prononcée contre leur extradition, estimant les juridictions espagnoles incompétentes.

5. Affaire du génocide tibétain

Une plainte pour génocide contre les Tibétains a été déposée, le 28 juin 2005, devant l’Audiencia nacional. Cette plainte vise sept responsables chinois de la répression au Tibet de 1970 à 1990 : l’ancien président de Chine, Jiang Zemin, l’ancien Premier ministre, Li Peng, les secrétaires du Parti communiste chinois, Ren Rong, Yin Fatang et Chen Kuiyan, l’ancien ministre du planning familial, Deng Deyun et l’ancien chef de la Sécurité chinoise et de la Police armée populaire, Qiao Shi.

Ils sont accusés de génocide, crimes contre l’humanité, tortures et terrorisme. D’après la plainte, depuis 1950, les autorités chinoises seraient responsables de la mort d’un million de Tibétains et de la destruction de plus de 90% du patrimoine religieux et culturel du Tibet.

Le 5 juin 2006, le juge Ismael Moreno de l’Audiencia nacional a instruit la plainte contre les dirigeants chinois. Le gouvernement chinois a déclaré qu’il considérait les investigations menées par le juge espagnol comme « une ingérence dans les affaires intérieures de la Chine ».

Le 19 mai 2008, le juge Moreno entend le témoignage de trois moines tibétains qui ont été emprisonnés et torturés par les autorités chinoises. Des commissions rogatoires ont ensuite été envoyées en Angleterre et au Canada pour interroger les victimes et témoins mentionnés dans la plainte.

(Source : Rédaction Tibet Info, article du 5 août 2008)

Le 9 juillet 2008, une seconde plainte pour génocide a été déposée devant les autorités espagnoles à l’encontre de sept responsables politiques et militaires chinois après la répression des troubles de mars 2008 au Tibet.

Cette plainte, déposée par le Comité de soutien au peuple tibétain et deux autres associations pro-tibétaines, accuse les autorités chinoises de « crimes contre l’humanité par élimination systématique et généralisée de Tibétains, de blessures graves, tortures et disparitions forcées ».

Le 5 août 2008, l’Audiencia nacional s’est déclaré compétente pour instruire cette plainte (Jacques FOLLOROU, Le Monde, 7 août 2008).

Les exactions commises par les autorités chinoises font l’objet d’autres poursuites devant la justice espagnole. Quinze adeptes du Falun Gong, organisation de gymnastique traditionnelle chinoise et de méditation, ont déposé plainte à l’encontre de dirigeants chinois le 20 juin 2006. Trois d’entre eux ont été entendus par le juge Moreno en juillet 2007. 

6. Poursuites à l’encontre de 40 militaires rwandais

Le 6 février 2008, la justice espagnole a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de 40 militaires rwandais pour génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et terrorisme commis entre 1990 et 2002 (Liste des 40 militaires poursuivis).

Le juge Fernando Andreu Merelles de l’Audiencia nacional enquête notamment sur les exactions commises par l’Armée patriotique rwandaise (APR) entre août 1993 et mars 1994, sur l’assassinat d’opposants politiques, dont celui de Félicien Gatabazi, fondateur et président du Parti social démocrate, et sur la préparation et l’attentat du 6 avril 1994 qui a causé la mort de l’ex-président Juvénal Habyarimana et qui est considéré comme l’élément déclencheur du génocide.

La décision du juge vise également de nombreux massacres de civils. Le juge espagnol estime à 312 726 le nombre de victimes de l’APR entre juillet 1994 et 1995, et dénombre 173 fosses communes dans le pays.

S’agissant des exactions commises pendant cette période, la compétence espagnole entre en conflit avec celle du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). Le juge espagnol s’est dit prêt à transmettre le dossier au procureur du TPIR.

L’instruction ne se limite cependant pas au génocide : la justice espagnole estime que plus de quatre millions de Rwandais ont été assassinés en 1994.

Parmi les 40 militaires visés par les mandats d’arrêt, 11 sont des généraux. Le juge Merelles les accuse également d’avoir institué un régime de terreur après le génocide et d’avoir commis des crimes contre la population civile en prétextant assurer la sécurité du pays.

Paul Kagame, le président du Rwanda, n’est pas visé par ces mandats d’arrêts. Il bénéficie d’une immunité en sa qualité de chef d’Etat.

Dans cette affaire, la compétence universelle se mêle à la compétence personnelle passive. En effet, l’affaire a débuté par l’enquête sur l’assassinat de prêtres et d’humanitaires espagnols au Rwanda dans les années 90. Elle a ensuite été étendue aux actes commis par l’APR.

(source : Article de l’agence Hirondelle Arusha du 19 février 2008)

7. Mandat d’arrêt contre des militants islamistes du réseau Al-Qaïda

Le 17 septembre 2003, le juge Garzon a émis un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Oussama Ben Laden et de plusieurs militants islamistes du réseau Al-Qaïda.

Balthasar Garzon a engagé les poursuites à l’encontre de 35 personnes, les accusant d’être membre d’Al-Qaïda, qualifiée d’organisation terroriste. 18 des inculpés sont déjà aux mains de la justice, notamment Tayssir Allouni, journaliste espagnol d’origine syrienne travaillant pour Al-Jazira, arrêté près de Grenade le 5 septembre 2003.

Ces poursuites ne sont pas uniquement fondées sur la compétence universelle ; elles s’appuient sur le fait que la préparation des infractions a été pour partie organisée sur le territoire espagnol et que certaines victimes des actions terroristes étaient des ressortissants espagnols.

(Source : LatinReporters, article du 18 septembre 2003)

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